Titre : | En France |
Auteurs : | Florence Aubenas, Auteur |
Type de document : | texte imprimé |
Editeur : | Paris : Ed. Points, 2015 |
ISBN/ISSN/EAN : | 978-2-7578-5574-4 |
Format : | 235 p. |
Langues: | Français |
Index. décimale : | 302 |
Résumé : |
Cela se passe pendant l'année de l'élection présidentielle, pas celle-là, la précédente, en 2007. On est à l'automne, au moment où, dans les fermes et les maisons de la Creuse, on remplit les cuves de fuel en prévision des grands froids. À Guéret, les agents de la Caisse d'allocations familiales (CAP) voient alors arriver des gens qui ne venaient jamais dans leurs bureaux : des retraités avec des pensions de quelques centaines d'euros à peine, mais qui en vivaient silencieusement depuis toujours et se seraient étonnés d'être considérés comme pauvres. Cette année-là, ils poussent la porte de la CAP, gauches, effarés d'avoir à demander quelque allocation, se présentant tous par la même phrase : «Pour la première fois, je n 'ai plus les moyens de faire rentrer le fuel.»
Chargé de la gestion à l'agence, Patrick Perrichon se souvient en avoir discuté avec ses collègues : «On voyait que quelque chose était en train de se passer. Mais quoi ?» Six mois plus tard éclatait la crise économique. La CAF de Guéret, préfecture de la Creuse, est la plus petite de France : 15 salariés, 17 000 allocataires. Un tiers d'entre eux vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Ici comme ailleurs, cette branche de la Sécurité sociale, chargée de verser les prestations familiales ou sociales (dont le revenu de solidarité active, RSA), est le premier maillon qui relie les Français à l'État. Ou le dernier. Retour en 2012, juste avant le nouveau scrutin : à la CAP de Guéret, dans le bureau d'Émilienne, il y a Pierrot, cheveux noirs sur le front, blouson de cuir et sourire du joli garçon accoudé au baby-foot. Il vient vérifier le montant de ses allocations, ce qui consiste ici à dévider sa vie. Pierrot est éboueur, 1 100 euros par mois ; sa femme enchaîne des petits boulots. Leur fille va fêter ses 3 ans et la nouvelle sonne comme une catastrophe : l'allocation «jeune enfant» s'arrête (182 euros). «On ne va plus y arriver», annonce Pierrot. Il faudra lâcher l'appartement au village, revenir s'installer chez sa mère. Pierrot parle tout seul : «Et si on arrêtait aussi la nounou ? Et si on vendait la voiture ?» De toute façon, tout est compté, ils ne bougent plus ou presque, s'autorisant de moins en moins l'hypermarché et plus jamais la sortie au lac de Courtille, le dimanche après-midi. «Et si on ne travaillait plus ? Et si on vivait des aides ? Des gens font ça, non ?» Pierrot n'est pas en colère. Il ne jette pas ses phrases, rage aux lèvres, pour annoncer un vote Front national parce que, décidément, trop de gens profitent du système, surtout les étrangers - terme qui désigne ici les Anglais, un temps considérés comme les vampires de la Creuse, achetant nos châteaux et vivant de nos allocs. Non, Pierrot sourit. Il raconte ce monde où les voitures s'arrêtent parce qu'on n'a plus de quoi mettre de l'essence. «On travaille, on fait tout ce qu'il faut et on se voit tomber. C'est pas ça, la vie.» Il regarde par la fenêtre les toits de Guéret dans le vert tendre des prés. Puis, à Émilienne derrière son ordinateur, il demande : «Et vous, vous savez pour qui voter ?» Patrick Perrichon, à la gestion, tempère. «Cette année, beaucoup de jeunes viennent nous dire la même chose : et si on arrêtait de travailler ? Ils se sentent à la limite, ils ne le font pas, heureusement.» Pourtant, ses collègues et lui se posent la même question qu'en 2007, avant la crise : «Quelque chose est en train de se passer. Mais quoi ?» |
Exemplaires (1)
Code-barres | Cote | Support | Localisation | Section | Disponibilité |
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JA518209 | 302 AUB | imprimé / indéterminé | IFI Jakarta | LIvres Thématiques | Disponible |
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